Les smartphones reconditionnés bientôt un peu plus chers

Les appareils numériques reconditionnés ne devraient finalement pas être exemptés de la Rémunération pour Copie Privée, une redevance destinée à soutenir le monde de la culture. 

 
En 2020, près de deux millions de smartphones reconditionnés ont été vendus en France l’année dernière et plus d’un tiers des Français (34 %) ont désormais dans leur poche un smartphone de seconde main, selon une étude réalisée par Kantar pour le site ReCommerce. Et ce marché ne cesse d’augmenter. C’est donc après de longues négociations que l’Assemblée nationale a adopté la semaine dernière un compromis proposé par le Gouvernement sur l’application de la Rémunération pour Copie Privée (RCP) sur les smartphones et tablettes reconditionnés. 

Une redevance créée pour compenser le droit à la copie privée 

Créée en 1985, la RCP est une redevance prélevée sur tous les supports d’enregistrements (CD, clés USB, smartphones etc.) qui a été mise en place pour indemniser les artistes lésés par le droit à la copie privée. En effet, tout le monde peut copier un film sur un disque dur, enregistrer une musique sur son smartphone, lire un livre sur une tablette, sans que les artistes soient rémunérés pour cela par les utilisateurs. La compensation est faite par les fabricants des supports d’enregistrement qui versent aux artistes, auteurs, éditeurs, producteurs, cette fameuse Rémunération pour Copie Privée. Par exemple, pour tout téléphone ou tablette neufs d’une capacité comprise en 32 et 64 Go, la taxe est de 12 euros. Elle est de 4,60 euros pour une clé USB ou une carte mémoire neuves de plus 256 Go. 

Réduire l’empreinte environnementale du numérique 

Taxer ou ne pas taxer les objets reconditionnés posait problème car il s’agissait de ménager la chèvre et le chou : d’une part certains membres du gouvernement voulaient éviter de fragiliser un marché écologique, puisque basé sur le recyclage, mais aussi social, puisqu’il permet à des personnes modestes d’acheter des smartphones de qualité à bas prix (en moyenne, 30 à 40 % moins chers qu’un neuf). D’où la proposition d’amendement visant à exclure les objets reconditionnés de la RCP. Les grands acteurs du marché, BackMarket ou ReCommerce arguant également que prélever autant sur un objet reconditionné que sur un objet neuf était une injustice pour les consommateurs… 

Le monde culturel vent debout ! 

Face à eux, un monde de la culture, très fragilisé par la crise, pour qui l’exclusion des appareils reconditionnés était inenvisageable. Il faut dire que, selon Copie France, la société qui perçoit et répartit la RCP, celle-ci représente entre 5 et 10 % des revenus de 200 000 artistes et créateurs, et constitue une source de financement pour plus de 10 000 festivals, salles de spectacles et projets culturels dans tous les territoires. En 2020, la RCP a généré 273 millions d’euros, soit 7 % du budget du Ministère de la Culture… 1661 artistes s’étaient mobilisés et avaient signé, il y a quelques jours, une pétition contre le projet initial d’exemption du reconditionné. 

Un accord qui satisfait tous les acteurs 

Finalement, l’accord trouvé semble satisfaire les deux parties : les appareils d’enregistrements reconditionnés seront bien soumis à la RCP, mais avec un taux inférieur à celui appliqué aux objets neufs : 35 % pour les tablettes et 40 % pour les smartphones. Concrètement, donc, si vous achetez un smartphone reconditionné avec une mémoire de 32 à 64 Go, vous devriez payer dès le 1er juillet, une taxe de 7,20 euros (12 euros pour les neufs, voir plus haut). Elle sera de 8,40 euros pour les smartphones au-delà de 64 Go. Pour les tablettes entre 32 et 64 Go de mémoire, le montant sera de 7 ,80 euros, et s’élève à 9,10 euros au-delà de 64 Go. 

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La France veut taxer le reconditionné : sérieusement ?

Il y a quelques jours, l’Assemblée nationale a adopté -en première lecture- un texte de loi visant à imposer une taxe supplémentaire lors de l’achat d’un smartphone reconditionné. Depuis, les réactions s’enchaînent si bien que le sujet continue de faire la une avant même d’être finalement tranché par les deux chambres. L’occasion de revenir sur son origine et les arguments de ses détracteurs.  

L’objectif affiché de ce qui s’annonce comme une rallonge de la “rémunération pour copie privée” existante serait avant tout de financer les artistes. Durement touchés par la récente crise économique, ceux qui sont restés en France ont en effet été forcés de subir la fermeture des salles de spectacle et l’interdiction des rassemblements. Un geste de plus en leur faveur est donc bienvenu, mais il ne serait pas bien orienté pour beaucoup. 

La question de l’environnement  

Si le débat fuse, c’est car les téléphones mobiles reconditionnés sont aujourd’hui considérés comme une alternative de choix aux dégâts commis par les fabricants de produits neufs. Entre impact négatif durable sur la nature avec l’exploitation minière en Afrique ou encore conditions de travail déplorables sur place et chez Foxconn, la liste des reproches à faire aux marques incriminées est longue.  

Choisir un iPhone recyclé -qui plus est moins cher que l’original- est donc la solution privilégiée à la fois par les petites bourses et ceux qui se soucient de l’avenir, encore davantage depuis l’avènement de plateformes telles que Back Market. Dernier tour de table de la licorne : 335 millions de dollars, signe d’une croissance non seulement solide mais aussi durable, comme sa proposition de valeur.  

Économiquement discutable  

Selon Thibaud Hug de Larauze, cofondateur et CEO du site, “le panier moyen est de 190 euros pour un smartphone reconditionné. Pour un neuf, c’est deux à trois fois plus. Chez nous, 28% des clients sont au chômage, 7% sont des étudiants. Le reconditionné n’est pas un choix, c’est une nécessité pour eux”.  

Difficile donc, de demander un prix rehaussé de quelques euros de plus à ceux qui ne disposent pas des ressources nécessaires pour. Mais comme souvent, ce sera au Sénat de trancher avant peut-être de voir tomber de premières conséquences chez les vendeurs.